L’envoûtement est un mot dérivé du latin « vultus », qui signifie visage, effigie, figure. Il désigne un ensemble de techniques dont le but est d’infliger à une figure de cire des traitements sauvages (piqûres, coups, etc …) ce qui, par effet de déplacement, atteindra la personne représentée par cette effigie.

Par extension, être envoûté signifie se trouver sous l’emprise de l’autre, soit de façon plus ou moins positive (emprise d’amour, qui cache toujours une soif de posséder) soit de façon négative (emprise de haine et de destruction).

L’envoûtement, consistant donc à faire des maléfices, fait appel à des forces surnaturelles ou naturelles, mais de toutes façons inaccessibles à qui n’a pas ce pouvoir.

La question est de savoir si, dans ces processus (associant aussi magie et sorcellerie) des entités démoniaques existent, si elles peuvent être sollicitées.

Psychose ?

On sait que la croyance dans l’envoûtement, autrement dit, en l’action directe de la pensée sur la réalité matérielle ou somato-psychique de l’autre,  sous-tend un fantasme inhérent à la psychose : c’est-à-dire à des problématiques psychologiques où les notions même d’intériorité ou d’extériorité sont très mal définies.

En réalité, l’envoûtement peut n’être qu’allégation, délirante ou pas. Mais parfois aussi, l’envoûtement correspond bel et bien à une réalité qui est celle d’une véritable emprise psychique, avec des effets troublants au niveau de la réalité matérielle ou vécue par le sujet.

Il n’est pas toujours facile de distinguer clairement les deux plans dans ce domaine où se mêlent parfois ce qui est de l’ordre de la subjectivité et ce qui est de l’ordre de l’objectivité.

La psychiatrie a pu décrire des problématiques de persécution où la thématique d’envoûtement est au centre des revendications et souffrances de ces patients. Et ceci dans des contextes les plus divers, syndrome d’influence, délire paranoïaque, sensitivité, jusqu’à des problématiques simples, non psychiatriques, dans lesquelles les interprétations du sujet ne s’inscrivent pas dans un contexte psychotique.

Les allégations d’envoûtement survenant dans des contextes psychiatriques tel le syndrome d’influence sont de pures projections de persécution sur l’entourage.

Ou possession ?

Dans ce syndrome, le sujet peut avoir véritablement l’impression d’être possédé, manipulé. On lit sa pensée, on lui envoie des ondes, on l’injurie à l’intérieur de sa tête. Et bien sûr le voisinage immédiat de l’intéressé, ses parents proches sont le plus souvent impliqués dans ses accusations.

Quelle que soit la réalité de l’existence du persécuteur et des pratiques d’envoûtement, on constate, chez le persécuté (ou envouté) une sorte de facilité de l’esprit. Plutôt que de reconnaître l’origine de ses difficultés à vivre, de fouiller son passé, sa propre histoire, son intériorité, il va préférer chercher la cause à l’extérieur : dans la société dans son ensemble, ou chez une personne en particulier qui  prendra le statut de persécuteur, et pourquoi pas d’envoûteur.

Il est un fait incontestable : la personne qui se dit envoutée, emprisonnée, persécutée, est dans un état de véritable souffrance. Souffrance qui conduit vers un état de tristesse profonde, un mal être, une impossibilité à trouver le bonheur, entrevu brièvement, comme des coups de soleil cachés par des nuages, comme un ciel bleu derrière des barreaux.

Comment rompre le charme ?

Selon la pratique psychothérapique, si une parole, un acte réel ou supposé entraîne chez une personne le sentiment d’être envoûtée, on peut être sûr de l’existence chez elle de certains aspects « fragiles », problématiques, qui peuvent renvoyer à des sentiments de honte, de culpabilité, d’insécurité.

De même, inconsciemment, il y aura une sorte de quête d’un groupe ou  d’un maître idéal dont la tâche sera d’assumer ces mêmes aspects fragiles. Ces faiblesses sont autant de points d’appel pour des « envouteurs », par le biais de ce la psychanalyse nomme « l’agir psychique ». La relation d’emprise s’exerce seulement s’il existe certaines composantes affectives et psychologiques.

La perte de cohérence, perte d’unité, l’égarement, la difficulté à trouver un sens à sa vie ramènent au diabolique dans sa signification première : du grec « dia », séparer, et « ballo », lancer, donc une désunion, une désintégration de la personnalité.

Et si l’envoûteur était l’envoûté ? Si dans sa quête de paradis perdus servie par un imaginaire éperdu et douloureux, si dans sa conviction d’être victime d’un complot, dans sa certitude d’être « sain » d’esprit à tous points de vue, le persécuté, égaré au milieu de pensées chaotiques, était son propre persécuteur ?