La dépendance affective, source de victimisation et d’auto-complaisance

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femme_ombre_noir_et_blancNous sommes tous dépendants. Dans le ventre de notre mère, quand, bébé, nous avons faim et que nous pleurons, quand nous ne connaissons pas le bon chemin, quand il faut faire un choix…

Nous avons besoin de références, d’informations, d’explications, de repères, c’est une dépendance pratique et émotionnelle. Le besoin de l’autre ou des autres est évident.

Mais à quel moment devenons-nous victimes de cette dépendance ?

La dépendance affective

La dépendance affective ou émotionnelle devient dangereuse quand elle est placée dans une seule personne qui, de fait, devient responsable de notre état émotionnel. La dépendance  est dangereuse parce qu’elle nous affaiblit. La dépendance c’est le fait de placer son bonheur, son salut chez quelqu’un d’autre, et d’avoir un seul objectif:  se sentir aimé et indispensable, se faire remarquer, au pire se faire plaindre.

Face à la peur de l’indifférence, la personne dépendante peut même en arriver à chercher la haine de l’autre ou tout autre sentiment grâce auquel elle va maintenir des liens, une présence dans la vie de l’autre…

Difficile à admettre, la dépendance émotionnelle se caractérise par un manque de confiance en soi, souvent perçu comme une « faiblesse de caractère ». L’attachement à sa famille, à ses amis, à son conjoint est normal et sain. Chez la personne dépendante, il y a un « trop » qui génère la souffrance et peut provoquer des comportements extrêmes d’attachement et de soumission aux autres.

Episode dépressif ou trouble anxieux sont fréquents chez les personnalités dépendantes. Pourtant leur sentiment d’infériorité est un ressenti, et non une réalité.

D’où vient la dépendance affective ?

Le problème vient de l’enfance. Ce sont généralement des enfants qui ont reçu peu d’affection, et ils n’osent pas se placer au centre de leur propre attention.

En demande permanente de tendresse et de reconnaissance, les dépendants affectifs ignorent ce dont ils ont besoin et ne parviennent pas à exprimer leurs désirs ou angoisses. Leur principal problème est l’absence de confiance en eux : ils pensent à tort qu’ils ne peuvent être aimés pour ce qu’ils sont, et il leur faut vivre à travers les autres. Dans l’attente, jamais satisfaite à leurs yeux, ils cultivent leur manque, réfléchissent beaucoup à ce qui ne va pas chez les autres, et peuvent en arriver à être violents. Leur passivité est un écran.

L’auto-victimisation

On peut tous, un jour ou l’autre, se positionner définitivement en victime alors que la porte de sortie est de comprendre quand, où, comment, on a été victime, et quand et comment on doit cesser de l’être.

« J’ai été maltraitée dans mon enfance, j’étais un bébé secoué, affirme posément, froidement, Bénédicte, 60 ans, ma mère ne m’a jamais aimée. »

Aujourd’hui, portant haut son statut de victime et son excès de poids, Bénédicte se plaint de son mari, qui ne la regarde pas, ne la touche pas depuis des années et lui pourrit la vie trop souvent. Elle sait cependant qu’elle ne le quittera pourtant pas, qu’elle continuera à marcher jusqu’à la fin de ses jours à côté de celui qui est responsable (dit-elle) de son malheur et de ses kilos.

Comme de nombreux dépendants, elle ne pense pas une seconde que son mal de vivre provient de son fonctionnement interne et non du comportement de la personne avec qui elle partage sa vie.

Bien sûr, on peut manquer de confiance en soi si l’on a subi des humiliations, des persécutions, ou des coups, dans son enfance, mais les prendre comme point de départ de futurs échecs ou problèmes relationnels reste un choix erroné.

Cela revient à expliquer tout le négatif actuel par des variables extérieures. A suivre un processus névrotique, à se poser en victime continuelle, à se déclarer impuissant face à ce qui se passe, chaque jour.

Je ne suis pas responsable, ce sont les autres…D’où une tendance à se sentir agressés par le monde entier, famille, amis, collègues, inconnus même. Pas de remise en question, car la blessure narcissique qui en découlerait serait trop profonde. Pas de réaction non plus, de sursaut, de petite lueur de révolte, comme un instinct de survie : « je n’ai rien dit parce que je ne voulais pas m’énerver, dit Bénédicte, j’avais peur d’être exclue, et puis, quand on me maltraite, finalement on s’occupe de moi. »

Pourquoi devient-on victime à vie ?

Ce positionnement psychique découle généralement d’un manque de confiance, d’une perte d’estime. Se sentant coupables de leurs échecs, les victimes mettent en place des explications qui ne les mettent pas en cause afin d’échapper au sentiment de culpabilité.

Ils construisent souvent leur identité sur des failles : traumatismes, violences environnementales, agressions physiques, ces événements vécus comme douloureux ne sont dus qu’à la malchance. Penser que nous sommes à la merci de ce qui nous arrive est un système d’auto-défense. Cela devient une excuse pour nous empêcher de prendre soin de nous, notre santé, de faire des projets constructifs.

L’auto-complaisance et la manipulation

Les dépendants affectifs se complaisent dans leur état de victime et n’arrivent pas à remettre leurs agissements en question. Ne se sentant jamais responsables de leurs propres actes, incapables de faire une auto-critique, ils accusent toujours les autres.

Ils ne réalisent pas que, souvent, leur comportement, leur attitude physique, leurs gestes, leur regard, découlent de leur peur implicite de ne pas être aimés et parfois traduisent l’inverse. Leur vulnérabilité est palpable. Leur manque de réactivité évident. Se mettre d’office en position de victime génère des situations d’agressivité.

Chez certains, les lésions, les plaies du passé, le stress laissent une marque indélébile. Piégés par leurs peurs et leur mémoire, ils ont des raisonnements et des réactions biaisés. Nourris de ressentiment, de colère rentrée, de fragilité, ils projettent leur malaise sur les autres.  Derrière leur identité de victime, leur gentil sourire, leur docilité, se cache parfois un bourreau.

Voilà comment les victimes se transforment parfois en experts de la manipulation.