C’est tellement facile de tomber juste. On les connaît comme le fond de notre vieille poche, nos hommes, et l’on sait bien ce qui leur manque ou ce qui leur fera vraiment plaisir.

Des années, cela fait des années,  que nous marchons dans leur tête et que nous les entendons penser. Alors Noël, vraiment, c’est fastoche vu le temps qu’on a passé à chercher LE cadeau qui leur montrera qu’on les comprend et qu’on les aime.

Selon certains spécialistes du décryptage comportemental, savoir offrir est typiquement féminin. Une sorte de tradition, de culture, qui se transmettrait de mère en fille.

En revanche, du côté des mecs, c’est souvent la cata. Il y a ceux qui misent sur les valeurs sûres, le plaisir renouvelé, et achètent chaque année le flacon-vapo des « Jardins de Bagatelle ». « Tu te souviens ? susurrent-ils avec des yeux de merlan frit, c’est le parfum que tu portais quand on s’est rencontrés ». On se souvient, sauf que depuis on a quand même dû en changer au moins quatre ou cinq fois.

A côté de la plaque

Certains manquent cruellement d’imagination : qui dit fête, dit fleurs. Ca ne loupe pas, que ce soit pour la fin de l’année (ou plus tard, pour saluer le 14 février), le carillon de la porte annonce un coursier planqué derrière une gerbe monumentale. Epinglé sur le papier glacé, le mot d’amour écrit par la fleuriste est banal et plein de fautes d’orthographe. La routine !

Quand on aime, on ne compte pas. Le cadeau, déposé avec tendresse sur la table du salon entre les coupes de champagne, porte une griffe prestigieuse. « Oh, non, s’écrie-t-on, les yeux mouillés, tu n’as pas fait cette folie ? « , avant de découvrir un sac à main en vachette parfaitement hideux, qu’il faudra cependant exhiber pendant une petite semaine au moins en rasant les murs du quartier.

Les montres sont un grand classique, très apprécié par ces messieurs : avant de partir à un séminaire, vite fait, on se jette sur la boutique Louis Pion, à Orly Ouest. C’est classieux et pas cher, que demande le peuple ?  Nous voici donc dans l’obligation d’arborer cet accessoire scintillant en cuir piqué de strass alors qu’on rêvait d’une bonne vieille Swatch.

Pas de quoi gémir, on a quand même échappé au bouquin acheté en courant dans un Relais H, genre le «Vengeance en Prada», suite en ré très mineur du fameux « Le diable s’habille en… ».

Le cadeau qui tue

Dans le genre hurlements de rires silencieux et mine faussement réjouie, on a aussi le caraco en soie et dentelle couleur framboise très écrasée, une imitation Gérard Darel assez ratée. Les lettres géantes en feutre rouge « L.O.V.E », dénichée dans un grand magasin de la rive gauche qui coûtent la peau des fesses et sont franchement vilaines. Le vase en zinc très tendance marqué « Fleurs », au cas où on le confondrait avec un pot de chambre, la descente de lit en chèvre 85x 75 cm, « pour les petits petons toujours froids au lit », le boléro en veau retourné qui s’arrête juste sous les seins, histoire de nous faire ressembler à un marcassin…

La liste est longue et on n’est pas déçue : ils se sont vraiment donné du mal pour nous surprendre. Pas comme ceux qui font dans l’efficace, dans le rationnel : du petit électro-ménager au peignoir à capuche taillé comme un duffle-coat en passant par le set de housses pour la voiture et l’ensemble tablier et gants de jardin, ils font preuve d’une préoccupation constante du confort de leur moitié et ce faisant, du bien-être conjugal.

C’est l’intention qui compte mais c’est le cadeau qui tue. Côté romantisme, on a fait mieux. On donne comme on est, paraît-il : nos jules détestent traîner dans les magasins, ils sont pressés, maladroits, peu inventifs.  Pardonnons, pardonnons. On donne comme on aime ? Alors là, ça ne va pas. Dépenser sans compter n’est pas forcément un gage d’amour et dépenser sans penser est forcément une preuve de désintérêt.

Mais pourquoi donc faire une fixette sur ce Noël désastreux ? Il nous reste 364 jours pour lui montrer charitablement comment mieux nous aimer…