Il y a quelques années, tout le monde était spasmophile. Et les thérapeutes donnaient du magnésium. Aujourd’hui, il paraît que nous sommes fibromyalgiques. Et les médecins donnent des anti-dépresseurs.

Autrefois, on était mélancolique, comme Madame Bovary, dont les langueurs ont  donné ses lettres de noblesse au Bovarysme, état d’insatisfaction et d’ennui permanent.

Puis on est devenu déprimé, petitement déprimé, donc triste, fatigué, sans envie aucune.

A ne pas confondre avec dépressif, état pathologique qui nous ralentit, nous rend douloureux, négatif, insomniaque, sans appétit et sans libido, désespéré d’être si mal, désespéré d’être si faible.

Mais voilà qu’aujourd’hui tous les psys de la terre (psychiatres, psychothérapeutes, psychologues…) s’accordent pour trouver leurs patients dépressifs et bipolaires, adjectif désignant les maniaco-dépressifs d’hier.

Du coup ces mêmes patients voient leurs ordonnances s’allonger sérieusement: à l’anti-dépresseur viennent s’ajouter l’anxyolitique et, très couramment,  le thymo-régulateur, censé stabiliser l’humeur.

La prescription de ces médicaments si prisés est essentiellement destinée à prévenir les rechutes. C’est un traitement de fond qui sera pris pendant des années, voire toute la vie. Ces médicaments améliorent la qualité de vie des malades en réduisant la fréquence et l’intensité des cycles et en stabilisant leur humeur.

Les sels de lithium sont les thymorégulateurs les plus utilisés bien que leur effet soit lent. Des substances initialement développées pour lutter contre l’épilepsie sont également prescrites pour réguler l’humeur. Des antipsychotiques atypiques peuvent également être conseillés pour traiter les épisodes maniaques.

Qu’appelle-t-on troubles de l’humeur ?

Il existe un bon nombre de troubles de l’humeur, deux étant plus répandus : la dépression (communément appelée dépression nerveuse) et le trouble bipolaire (anciennement connu sous le terme de psychose maniaco-dépressive).

La dépression

La dépression nerveuse  est souvent référée en tant que « trouble unipolaire ». La dépression atypique est caractérisée par une réactivité de l’humeur une prise de poids significative, un sommeil excessif, et une hypersensibilité avec remise en question permanente.

La mélancolie se traduit par une absence de joie et de goût de vivre. Ce trouble de l’humeur peut se prononcer lors d’un deuil ou d’un conflit, avec une aggravation des symptômes le matin, une perte de poids importante ou un sentiment profond de culpabilité.

La dépression psychotique (DPM), ou dépression psychotique majeure, est le terme d’un épisode de dépression majeure, particulièrement de nature mélancolique, lorsque le patient souffre de symptômes psychotiques tels que les délires ou les hallucinations.

La dépression catatonique, rare et sévère forme de dépression majeure, rend la personne muette, contemplative, comme statufiée, murée dans sa douleur ou présentant des troubles similaires à la schizophrénie.

Passons sur la dépression post-partum, le fameux « baby-blues » pour  parler plutôt de la dépression saisonnière (DAS), aussi connue sous le nom de « dépression hivernale ». Certaines personnes sont atteintes par ce type de dépression à l’arrivée de l’automne, et vont mieux dés le printemps (ce qui nous laisse quand même six mois à tirer…). Mais le printemps peut aussi s’accompagner d’un certain mal-être.

Il existe d’autres « catégories » de dépression, ce terme étant décliné à l’infini par les thérapeutes, selon tel ou tel symptôme.

Les troubles bipolaires

C’est un trouble de l’humeur anciennement connu en tant que « psychose maniaco-dépressive » ou « dépression maniaque » et décrit par des périodes alternatives de manie et de dépression (et dans certains cas un cycle rapide, avec une succession de différents états d’âme, et de symptômes psychotiques).

On estime aujourd’hui que 2 à 5% de la population adulte souffre du trouble bipolaire non spécifié.

Il ne faut pas oublier que de nombreuses substances et drogues (notamment le cannabis, associé ou non à la prise de cocaïne, d’amphétamines ou d’alcool) peuvent également induire des  troubles de l’humeur. Ces troubles du comportement sont souvent causés par une intoxication ou au contraire par le sevrage.

La popularité de la bipolarité

Pourquoi la bipolarité semble-t-elle être à la mode ? Sur son blog « www.seronet.info« , une dame exprime sa colère suite à la réflexion d’un médecin psychiatre sur cet effet de mode. Elle a raison. Les vrais bipolaires sont en souffrance, et leurs états, qui passent de l’abîme le plus profond au sommet le plus haut, les conduisent à des émotions excessives, redoutables, des doutes terrifiants, une inadaptation totale à la vie quotidienne et  des comportements asociaux.

Mais pourquoi aujourd’hui voit-on tant de patients gavés de Risperdal, Lamictal, Dépakote, Dépamide ou Lepticur ?

« On est fou dans sa saison, il y a des modes », reconnaît le psychanalyste Bernard-Elie Torgemen. La dépression a été le mal du XXe siècle, le XXIe sera celui des émotions déréglées, oscillantes, des émotions en folie.

« La décennie à venir sera bipolaire », annonce Elie Hantouche, l’un des premiers psychiatres en France à s’être intéressé aux troubles obsessionnels compulsifs et qui se consacre aux troubles bipolaires.

« Il n’y a pas davantage de personnes souffrant d’état limite ou de troubles bipolaires qu’autrefois, acquiesce Alain Tortosa, praticien en psychothérapie. Mais, face à ces troubles, le monde psychiatrique se taisait, faute de savoir comment les traiter. »

Les individus bipolaires étaient classés parmi les psychotiques ou les dépressifs, et ceux avec un état limite, ou borderline, étaient généralement diagnostiqués « hystériques »…

Aujourd’hui, les thymorégulateurs et les antidépresseurs nouvelle génération permettent aux médecins de soigner leurs patients et de les classer (enfin), dépressifs, bipolaires ou borderline. Mais le diagnostic n’est-il pas rapide ? Trop rapide ? Et, au lieu d’écouter, ne se contente-t-on pas d’appliquer des recettes concoctées par les laboratoires ?

Liste de symptômes, petit a), petit b), cela ressemble un peu à la liste des points (combien déjà, onze, dix-huit ?) de la fibromyalgie. Vous avez répondu positif au questionnaire, cochez les cases, c’est bon, vous voici parti pour un petit séjour en compagnie du Depamid ou du Risperdal…Petit voyage ou voie de garage, seul avec ses comprimés et ses doutes, longtemps, si longtemps…