Selon certains scientifiques, nos ancêtres mâles étaient pris dans une folle course pour la reproduction. C’est cette épuisante infidélité qui aurait miné leur longévité au point qu’aujourd’hui encore les femmes vivent plus longtemps que les hommes.

Les femmes du XXIe siècle vivent plus longtemps que leurs compagnons. A qui doivent-elles ce privilège ? A leurs maris et à la tendance des hommes à l’infidélité? Si les hommes ont, encore aujourd’hui, une espérance de vie plus faible, c’est peut-être parce que leurs ancêtres multipliaient volontiers les conquêtes…

Sous la houlette du Professeur Charles Lockwood, des scientifiques du University College de Londres se sont penchés, par exemple, sur le squelette d’un de nos vieux cousins, le Paranthropus robustus, un hominidé âgé de 2,2 à 1 million d’années. A l’époque, le mâle avait la particularité de continuer sa croissance à l’âge adulte, bien après la femme. Une spécificité que l’on retrouve notamment chez les gorilles, et qui est associée, dans le règne animal, à des structures sociales polygames. En gros, les femelles sont plus petites et toutes entières dévouées au mâle dominant en matière de procréation.

Les biologistes Tim Clutton-Brock de l’Université de Cambridge et Kavita Isvaran de l’Institut indien des sciences de Bangalore pensent, eux aussi, que nos ancêtres de sexe masculin étaient polygames. Pour eux, c’est même ce qui explique qu’aujourd’hui encore, il existe une importante différence entre l’espérance de vie des femmes et celle des hommes.

Les deux scientifiques ont observé une trentaine d’espèces d’animaux actuels aux mœurs conjugales différentes, allant des babouins aux merles, en passant par les lions.

Contrairement aux animaux monogames, parmi les espèces polygames, les individus de sexe masculin ont, leur vie durant, plus de risques de mourir que les femelles. Par ailleurs, plus l’âge avance et plus le fossé se creuse entre l’espérance de vie des femelles et celle des mâles.

Tous les mâles se livrent à une féroce compétition. Et dans ce contexte, pour avoir une chance de transmettre son patrimoine génétique, mieux vaut miser sur la force que sur la stratégie à long terme. Du coup, la sélection naturelle s’est faite – du côté des mâles – sur des critères tels que l’agressivité au détriment de la longévité.

Peut-on, pour autant, appliquer cela à l’être humain ? A priori, cela ferait sourire. D’un côté notre espérance de vie s’allonge et, en plus, les hommes n’ont pas besoin de se battre en duel à mort pour les faveurs d’une dame.

Parlons d’héritage biologique

Pourtant, force est de constater que dans cet environnement stable, les hommes vivent encore et toujours moins longtemps que les femmes. En Suisse, l’espérance de vie est de 79 ans pour les premiers, contre 84 ans chez les secondes.

Pour Tim Clutton-Brock, pas de doute: tout cela est bien un héritage biologique, un indice qui laisse croire que la monogamie n’était pas la règle aux premières heures de l’évolution de l’homme.

«Il ne s’agit pas de justifier la polygamie à l’heure actuelle», précise toutefois le scientifique.

Une hypothèse provocatrice

Pourquoi les femmes vivent-elles plus longtemps que les hommes? Parce que nos ancêtres étaient polygames?

«L’hypothèse est un peu provocatrice, sourit le professeur Roger Darioli (photo), spécialiste de médecine préventive au CHUV. Les éléments qui déterminent l’espérance de vie ne sont pas seulement biologiques, ou génétiques. L’environnement et le contexte social jouent un rôle majeur».

Alors si la durée moyenne de la vie a pratiquement doublé en un siècle dans les sociétés occidentales pour tout le monde, pourquoi la différence s’est-elle creusée un peu plus au détriment des hommes ?

«Ces derniers ont des comportements à risque nettement plus marqués que les femmes, précise Roger Darioli. Ils ont, par exemple, plus d’accidents. Par ailleurs, à âge égal, les femmes cumulent moins de facteurs de risque pour leur santé, tel que la consommation de tabac, l’obésité, l’élévation du mauvais cholestérol, l’hypertension artérielle.

Les femmes sont également beaucoup moins touchées par le stress que les hommes. Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, il ne s’agit pas de surmenage, mais de situation de menace permanente dont la personne ne voit pas l’issue».

Certains estiment que les femmes, qui possèdent un taux d’antioxydants supérieur, bénéficient d’une meilleure immunité que les hommes. «On constate effectivement que les femmes se nourrissent plus facilement de façon équilibrée», confirme le médecin du CHUV.

D’une manière générale, elles savent donc mieux prévenir les problèmes de santé. Mais pour combien de temps devanceront-elles encore les hommes dans les courbes démographiques?

«De plus en plus d’ hommes ont une meilleure perception de leur capital santé, tandis que les femmes, elles, se retrouvent très seules, à un âge avancé, rappelle Roger Darioli. Ce qui représente un facteur de stress. D’ailleurs, l’amélioration de l’espérance de vie tend à se tasser chez les femmes alors qu’elle progresse chez les hommes».

Oui, mais

Certains scientifiques expliquent que le stress engendré par la tromperie et le mensonge augmente les troubles du sommeil, génère des troubles digestifs et des problèmes cardio-vasculaires chez les infidèles.

Selon Satoshi Kanazawa, de la London School of Economics and Political Science, « les gens qui ont un QI plus élevé sont plus fidèles car l’intelligence pousse à respecter la norme sociale de la monogamie. »

(A Lire : « Couple, le plus fragile des deux n’est pas elle », Editions Anne Carrière)