On se rencontre, on se regarde, on tombe amoureux, on se marie et on a beaucoup d’enfants. Ca, c’est un conte de fées. Ou c’étaient les amours d’autrefois avec rendez-vous arrangés à la clé.

Aujourd’hui, à l’ère de la communication à tout va, on ne communique plus du tout. Personne ne dit plus bonjour, ni ne répond à un sourire. Et on crève de solitude. Métro, boulot, dodo dans les villes. Voiture, boulot, dodo dans les campagnes. Et pour les célibataires, plateaux-télé puis connexion.

Connexion ? Sur l’ordinateur évidemment, et sur un site, évidemment encore, de préférence un site de rencontres, ou MSN pour tchatter. Et rêver. Et aimer. Enfin, rêver qu’on aime et qu’on est aimé car il est rare que le virtuel passe au réel. Ou, quand ça arrive, c’est le plus souvent la fin de l’histoire, le rêve venant se briser sur de tristes réalités.

Pourquoi préfère t’on s’aimer derrière un écran d’ordinateur plutôt que de s’aimer en vrai ? Que va t’on réellement chercher sur le net, quelles sont nos motivations cachées ?

A l’unanimité les internautes trouvent que l’amour virtuel a le gros avantage d’être facile d’accès, sans danger, que dans un premier temps le physique à peu d’importance (on se contente d’une photo, vraie ou fausse, souvent arrangée) et que l’on garde tant qu’on veut sa part de mystère.

Ce qui est primordial, c’est le désir de trouver l’amour ou de vivre une histoire super romantique (laissons de côté ceux qui cherchent le « coup » d’un soir). Le net permet de prendre son temps, de sélectionner et d’éviter de tomber sur des gens « collants » parce que de toute façon, c’est de très facile ensuite de les zapper. Un faux pas et on raye l’indélicat d’un simple clic.  

Pour certains, ou certaines, le virtuel est un moyen de passer outre sa timidité ou de reprendre confiance en soi. Les messages flattent l’ego et les échanges donnent une intensité à une vie parfois terne. Pour d’autres,  le net est le moyen de fuir un quotidien trop lourd. Quand on se sent mal dans son couple, et qu’on n’a pas forcément envie de tout plaquer, Internet offre une diversion, avec au bout du clavier une aventure virtuelle sans grandes conséquences.

A partir de là, nos fantasmes entrent en scène. On idéalise l’autre physiquement et mentalement, on commence par imaginer la personne puis on s’imagine avec la personne. Il ya aussi les fantasmes de l’autre, ce qu’il projette et les qualités qu’il nous prête.

Tout ceci permet parfois des sortes d’emballements que l’on peut confondre avec un sentiment amoureux.

Il ne faut pas oublier qu’on ne se connaît pas dans la vraie vie. Au regard d’une  certaine conception du réel, une relation  uniquement  virtuelle n’existerait pas. Et pourtant les  adieux virtuels  sont parfois difficiles.  

Si la prise  de distance virtuelle est moins évidente que  des adieux physiques  c’est aussi parce qu’Internet  est intemporel. Il suffit que les commentaires  d’un forum ne soient pas fermés,  pour qu’existe la possibilité de reprendre une discussion close depuis quelques mois.

Mais peut-on considérer  comme illusoires les  relations virtuelles ? Sont-elles moins vraies que les  relations mettant en jeu la présence physique ? Ne peut-on éprouver un amour véritable envers une personne jamais vue ?  Et que lirions-nous dans ses yeux si d’aventure nous la rencontrions ?  Ses   sentiments  pour nous ?  Ou les secrets de son âme? 

La distance physique induit des fantasmes et de l’imagination. Le comportement lui-même est différent comparé à la réalité. On devient plus ou moins involontairement quelqu’un d’autre. On se désinhibe. La pudeur ou la timidité font partie de la personnalité d’un individu.
On imagine l’autre, on l’invente presque. Tout comme cet amour que l’on croit ressentir.

Toutes les supercheries sont permises : mensonges sur l’âge, le physique, la situation sociale… si l’on s’en tient à la virtualité, les échanges d’âme à âme sont tout à fait possibles. Ils sont même favorisés  par le fait que toute distance géographique est abolie et que  toute incompatibilité d’existence  s’efface.

Les barrières les plus prosaïques tombent et commence alors  un véritable échange avec ce que les êtres ont de plus intime.

Restent des questions importantes : le virtuel n’est-il pas un peu trop rapide ? N’élude-t-il pas le plus important ?  Ne laisse-t-il pas des regrets, des désirs inassouvis et ne fait-il pas souffrir lorsque le manque est ressenti ?

Dans ce cas, il n’est plus question de virtuel car  le chagrin est réel et aussi intense que dans n’importe quel  cas  d’amour impossible mais là s’arrête la comparaison entre les deux.

Un amour  impossible  meurt avant d ‘être né,  alors qu’une relation  amoureuse virtuelle  déçue  a bel et bien existé. Mais ce n’est pas parce qu’elle était  virtuelle qu’elle  devrait être  éternelle L’intemporalité  est parfois trompeuse  et la vraie vie vient rappeler  ses exigences. Un beau jour, on s’aperçoit que tout a été dit.

On peut alors avoir mal et même très mal :  ce sentiment de tristesse sauve de la virtualité  car ce qui est éprouvé n’est jamais virtuel. 

« Nous nous sommes rencontrés sur le net, raconte Isa, internaute accro aux sites de rencontres, et très vite nous sommes tombés amoureux. Mais il était marié et il a donc du faire un choix. Cela s’est passé il y a deux jours, je suis anéantie , je n’arrête pas de pleurer. Mes journées étaient rythmées par ses appels, ses mails, ses textos et je me sens perdue, totalement vide … Je meurs d’envie de lui téléphoner, je me retiens. J’essaye de me persuader que ce n’était que du virtuel, mais ce virtuel était pour moi tellement réel … Mon cœur est serré et j’ai mal, tellement mal …»

Surfer derrière un écran protège sans doute des mauvaises rencontres. Et encore…Il y a de tout sur Internet. Comme disent les spécialistes de ces sites : « le net, c’est la vie, la vie en vrai , avec des gens comme vous et moi.  ». La vraie vie avec de vrais dangers alors, et de vrais chagrins, édifiés sur le sable mouvant des promesses, des non-dits et des histoires à dormir debout. Enfin à dormir devant son ordinateur…