Le point de vue de Sylvie Tennenbaum, psychanalyste*

La cinquantaine, c’est le bel âge ?

Il y a des possibles qui tombent mais beaucoup de fenêtres qui s’ouvrent. On n’a pas le même corps qu’à 30 ans bien sûr, mais c’est bien. La femme a déjà fait un long chemin, elle peut s’orienter vers des activités qui lui plaisent, s’occuper enfin vraiment d’elle, se faire de nouveaux amis, commencer la randonnée, ou la peinture, ou le yoga… Les distributeurs de bonheur, ça n’existe pas : il faut compter sur soi et être sa meilleure amie.

Vivre seule, c’est être seule ?

Si je dis : « je suis seule », je me sens seule,  car les mots conditionnent ce que l’on ressent. Si je dis : « je vis seule », j’assume un choix et je ne suis pas perdue dans le désert. On ne peut pas se réfugier tout le temps dans un rôle de victime, que fait-on pour ne pas aller vers les autres ? Que suis-je prête à faire pour rencontrer quelqu’un ? Puis-je abandonner ma liberté ? Quand une femme a peur, a honte, elle n’analyse pas son comportement. Vivre comme une petite chose abandonnée, c’est refuser d’affronter la vie.

Que penser des femmes qui ont tout sacrifié à leurs parents ?

Elles n’ont pas coupé le cordon. D’un côté il y a une mise sous cloche de la part des parents, et cela forme par exemple des couples mère-fille très fusionnels, où la mère se sent trahie si la fille va voir ailleurs. De l’autre, il y a une peur de la vie. D’un côté un interdit parental souvent non formulé, de l’autre une culpabilité inavouée qui remonte à l’enfance. Mais il faut être réaliste : nous sommes les architectes de notre vie, on ne peut pas toujours accuser les autres de la vie que l’on mène.

Et celles qui n’ont pas su choisir ?

Elles sont immatures, ce sont d’éternelles adolescentes qui ont besoin du regard de l’autre pour exister. Le besoin de plaire doit se terminer à un certain âge. Choisir de ne pas choisir revient à refuser l’amour. Penser : « j’ai le temps » reflète une peur de s’engager, un refus des réalités : en allant de conquête en conquête, on ne souffre pas…jusqu’au jour où l’on se retrouve seule, face à soi-même. Il ne faut pas rêver sa vie.

Quel est le pire ennemi de la femme autour de la cinquantaine ?

Elle-même. Il y a un désamour de soi, une sorte de mise en retrait : la femme construit sa cage, mais elle en a la clé. Au lieu de végéter, elle pourrait bouger. Chercher un être parfait, c’est courir à l’échec. Avoir la tête dans les étoiles n’empêche pas d’avoir les pieds sur terre. Accepter l’autre, avec ses imperfections, c’est s’accepter soi. Et un homme, si on le regarde d’une certaine façon, devient charmant.

(A lire du même auteur : «Cherche désespérément l’homme de ma vie », Editions Albin Michel)