On connaissait déjà les hypocondriaques, voici les « cybercondriaques ». Il s’agit de toutes les personnes qui, à l’apparition d’un symptôme, vont chercher un diagnostic médical sur internet. Au lieu de penser à un coup de froid ou à un bon vieux rhume des familles, elles imaginent aussitôt qu’elles ont un virus ou une maladie grave.
Une étude menée en Grande-Bretagne démontre que de plus en plus de gens cherchent l’explication de leurs malaises ou de leurs maladies sur le web. Rien de grave sauf quand l’internaute, après avoir écumé les sites et les forums, s’autodiagnostique un cancer au lieu d’une intoxication alimentaire.
Selon cette étude britannique, près de 60% des adultes seraient concerné. 1/3 des personnes souffrant de céphalées est certaine d’avoir des migraines et si cela dure, une tumeur. 28% des gens qui ont mal au ventre sont convaincus de couver une appendicite aiguë.
Les patients débarquent chez le médecin en ayant en tête un diagnostic précis. Surinformés, ils décrivent leur pathologie avec force termes scientifiques face au médecin interloqué.
Du coup ceux-ci s’énervent. Dans leur ligne de mire, les forums des sites de santé type Doctissimo ou Auféminin, essentiellement consultés par des mères de famille. Ce qui les irrite, ce sont les espaces communautaires où foisonnent des informations non vérifiées et anxiogènes à souhait. Sur le net, il y a tout et n’importe quoi. Car le business est à la mesure de la curiosité insatiable des internautes et 10 000 sites se partagent le gâteau.
«Ils vont taper leurs symptômes dans un moteur de recherche qui les oriente sur un forum où on raconte n’importe quoi, raconte une généraliste. Et retiennent le pire.»
7 français sur 10
Selon un sondage Ipsos réalisé pour le conseil national de l’ordre des médecins (Cnom), sept Français sur dix consultent la Toile pour obtenir des informations en matière de santé. Au fil des ans, Internet est devenu le 2ème moyen de s’informer, devant le pharmacien.
Que ce soit pour connaître une maladie et ses symptômes, se renseigner sur un traitement, recueillir des témoignages d’autres patients, le Web devient un réflexe. Les 2/3 des internautes fans de sites médicaux n’en font pas état lors de la consultation.
«On les repère quand même grâce au vocabulaire, note Robert Thebault, médecin urgentiste. Ils emploient du jargon médical. On sent que ce sont des informations brutes qu’ils tentent de ramener à leur propre cas.»
Conséquence ? Les médecins sont obligés d’argumenter et de convaincre. Et malgré leur compétence, une petite minorité ne voudra rien entendre et ne quittera pas le cabinet sans ce qu’elle est venue chercher, à savoir un scanner ou des analyses.
Allo maman bobo
Autrefois, le stressé de base apportait une page découpée dans un magazine chez son généraliste.
« Il y a 20 ans, nous étions dans un rapport paternaliste, explique Jacques Lucas vice-président du Cnom : le médecin avait l’autorité sur le patient, car il savait. Désormais, la relation reste de confiance, mais n’est plus aveugle, puisque le patient peut croiser ses sources.»
Face à l’essor des pratiques en ligne, plusieurs pistes de réflexion ont été lancées pour faire du Net un moyen de prolonger la consultation. Formation aux nouvelles technologies dans le cursus universitaire, développement du rôle du médecin dans la recherche d’informations santé en ligne…
«Les professionnels de santé doivent aller là où se jouent les enjeux, résume l’Ordre des médecins. Les 2/3 des Français interrogés se rendraient sur le site internet de leur médecin s’il en avait un, et 35% des personnes ne consultant pas sur Internet pourraient le faire si leur médecin disposait d’un site ».
(Sources : Libération – letelegramme.com)