Il est temps que les toxicomanes se mettent au diapason ! Attention, ceci ne s’injecte pas, ne se sniffe pas, ne se fume pas mais s’écoute.

Appelées « e-drugs » aux Etats-Unis, les « drogues numériques » reposent sur un phénomène découvert il y a environ de 2 siècles : le battement binaural (phénomène neurologique consistant à stimuler le cerveau grâce à des sons). Les neuropsychologues reconnaissent que les battements binauraux apportent détente, sensation d’apaisement et une aide à la concentration. Ils sont d’ailleurs utilisés dans le traitement de maladies comme l’autisme.

Déjà bien connu outre-Atlantique, le phénomène d ces ondes planantes a débarqué en France l’été dernier.

Ces fichiers musicaux téléchargeables sur la Toile sont un mélange de fréquences sonores d’une durée comprise entre 15 et 30 minutes. Les battements binauraux font office de « dose », ils émettent dans chaque oreille deux sons semblables avec une fréquence différente et sont censés altérer les ondes du cerveau.

Les e-drugs et e-doses, fichiers sonores aux noms évocateurs «cocaïne», «crack», ont la réputation de produire un état de transe similaire aux drogues dures.

Les effets de ces « narcotiques numériques »

Les effets réels de ces drogues numériques donnent lieu à une vaste polémique. La neuropsychologue Brigitte Forgeot explique: « cette méthode permet d’amener le cerveau à produire des ondes voulues, par exemple des ondes lentes associées à l’état de relaxation ou des ondes plus rapides associées à l’état de vigilance ou de concentration ».

Certains fichiers musicaux téléchargeables sur Internet promettent aux acheteurs de leur faire ressentir des effets semblables à ceux du « shit », de l’ecstasy, de l’alcool ou même du LSD. Le site web « i-doser » est numéro 1 dans la vente de ces « narcotiques » numériques.

Depuis 2007, ce site utilise un logiciel qui permet l’écoute de ces sons et soutient que la dose numérique« Alcohol », par exemple, garantit « l’effet de l’alcool après avoir bu cinq verres de gin ».

Pour 4,50 dollars, on y propose un shoot virtuel de LSD, pour 3,75 dollars, le fichier qui vous fait maigrir ou, pour 50 cents de moins, l’effet «sexe sous ecstasy».

Plus d’un million de fichiers ont déjà été téléchargés…

« Après quelques longues minutes, je me suis senti planer, je me suis senti léger, très léger, raconte un lycéen de 16 ans. Je me sentais m’envoler très haut, rapidement, avec ce vent qui me propulsait dans les airs à une vitesse grand V. Tout en me sentant super bien, j’ai commencé a être violent a l’intérieur, j’avais l’impression que ma tête allait exploser. J’avais super chaud et je tremblais comme un fou »

Des effets secondaires 

« Les drogues numériques pourraient, à la longue, créer des dysfonctionnements cérébraux chez l’auditeur, et aboutir, par exemple, à des troubles du sommeil ou des crises d’angoisse », indique Brigitte Forgeot. « Cela étant, ces troubles devraient disparaître en cas d’arrêt des doses. Au-delà, la consommation de drogues numériques peut surtout être révélatrice d’un mal-être qui doit attirer l’attention des parents », ajoute la neuropsychologue.

Pour Étienne Apaire, magistrat et président de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (Mildt) : « il n’est pas question de prohiber le site qui fait une opération commerciale pouvant même relever de l’escroquerie si cela est présenté comme de la drogue ».

Il demeure prudent quant au risque d’accoutumance : « Ces extraits sonores ne semblent pas créer de dépendance.». Mais la prévention reste de mise : les drogues numériques «peuvent conduire à des situations d’isolement, voire de désocialisation. Les parents ne doivent pas hésiter à consulter un psychologue».

En attendant, dans son cabinet de l’Essonne, le Brigitte Forgeot utilise les battements binauraux pour apaiser les enfants hyperactifs et assure que le stress, l’anxiété ou l’insomnie pourraient trouver là une solution…