C’est un rituel qui remonte à la nuit des temps. Depuis toujours, en Mauritanie, on oblige des petites filles d’une dizaine d’années à avaler d’incroyables quantités de nourriture.
L’objectif est de grossir le plus possible, la rondeur étant synonyme de beauté et de richesse, et de hâter le développement physique des adolescentes afin qu’elles attirent très tôt le regard des hommes. Des femmes, souvent des grand-mères, sont spécialisées dans le gavage des fillettes qui leur sont confiées par leurs mamans.
Menant l’opération de gavage d’une main de fer, et jouissant d’une grosse réputation dans les tribus nomades, elles sont appelées « les gaveuses ». Dans les régions les plus reculées du pays, cette pratique d’un autre âge sévit toujours. A l’arrivée de la saison des pluies, les jeunes filles des villages doivent boire sous la contrainte des litres et des litres de lait.
Aujourd’hui, les femmes des villes utilisent même des cachets pour grossir, ce qui est évidemment dangereux pour la santé. Faute de bétail et donc de bon lait, elles ont recours à une nouvelle forme de gavage : le gavage chimique. Elles prennent des comprimés. Tous les produits sont bons jusqu’aux hormones de croissance pour animaux vendus à la sauvette sur les marchés de Nouakchott, la capitale.
Hypertension artérielle, diabète, problèmes d’articulations, les femmes victimes du gavage paient un lourd tribut.
Mais aujourd’hui, la jeune génération se bat contre cette tradition barbare. L’obésité est même considérée comme une tare. « L’obésité était un critère de beauté, elle faisait ressortir le niveau social et préparait la fille au mariage qui en était la finalité. Mais les temps ont changé, la perception des critères de beauté n’est plus la même », assure Mme Yenselba Mint Mohamed Mahmoud, chargée de mission au Secrétariat d’Etat à la Condition féminine, un département ministériel qui mène avec le ministère de la Santé, une vraie guerre contre l’obésité.
Des centaines de milliers de dépliants distribués dans tout le pays mettent l’accent sur les effets de l’obésité que sont les maladies cardio-vasculaires, les maladies des os et les douleurs articulaires, de même que le diabète et la vieillesse précoce.
Sauf que… les hommes sont attachés à la tradition, préférant toujours, même s’ils disent adhérer au programme de lutte contre l’obésité, les femmes d’un certain embonpoint.
De fait, les Mauritaniens préfèrent les grosses femmes, la minceur étant considérée comme un grave défaut.
Un proverbe maure ne dit-il pas que « la femme occupe dans le cœur de l’homme une place égale à son volume » !
(Source : France 2, Envoyé spécial)
On peut s’ interroger sue l’ origine de cette étrange coutume.
Et je suis tenté de la mettre en perspective avec des observations bien établies de la part de spécialistes ( médecins, nutritionnistes, anthropologues, etc … )
Pour ne citer qu ‘une source :
« Aux temps préhistoriques des chasseurs-cueilleurs, la puberté des filles commençait vers seize ou dix-sept ans. La sédentarisation et une alimentation plus riche ont avancé l’ âge du poids critique provoquant une puberté précoce … dans la plupart des sociétés industrielles autour de douze à treize ans » ( Histoire Naturelle de l’ Amour Helen Fisher Ed. Robert Laffont )
Le lien strict entre prise de poids – atteindre un poids critique – et apparition de la puberté, est une fois de plus souligné.
Cela conduit tout naturellement à l’ idée qu’ on dispose d’ une certaine maîtrise pour commander la mise en place de l’ activité reproductrice.
Dans les sociétés à économie essentiellement rurale, où le nombre de bras est fondamental au sein de la communauté pour la subsistance de tous, on peut parfaitement concevoir que des pressions de tous ordres se sont exercées pour assurer cette activité reproductrice au sein de la nouvelle famille.
Une future « bonne épouse », qui contribuera d’ emblée efficacement à la prospérité de la famille, est une jeune femme qui répondra A PRIORI à des critères établis par une longue observation ancestrale.
« Atteindre un certain poids critique pour une puberté précoce » figure très probablement au nombre de ceux-ci.
Ensuite, au cours du temps et comme pour nombre de « pratiques », l’oubli des raisons (parfois recevables) qui l’ ont fondée, a fait perdre tout sens de la mesure à ses adeptes et a conduit aux excès terrifiants qui nous sont rapportés ici.