Ce sujet n’est pas médical, certes, mais nous concerne tous, enfin, je crois…

Un Européen utilise 13 kilogrammes de papier hygiénique par an. Une statistique qui rend l’industrie concernée tout sourire. Son chiffre d’affaires pour l’ensemble des papiers ménagers est en effet estimé à 8,5 milliards d’euros par an en Europe.

L’histoire du P.Q.

-La fabrication de papier hygiénique est en Chine une activité millénaire. Les feuilles étaient généralement obtenues à partir d’une pâte de paille de riz. Evidemment, toute la population chinoise n’y avait pas droit mais la production était déjà considérable : les centaines de milliers de feuilles produites chaque année attestent que cette commodité n’était pas cantonnée aux commodités de la cour. Les défécations impériales bénéficiaient en revanche de l’exclusivité des feuilles de papier.

En 851, des voyageurs arabes observent la Chine et rapportent : “Ils (les Chinois) ne sont pas attentifs à la propreté, et ne se lavent pas eux-mêmes avec de l’eau quand ils ont fait leurs besoins, mais ils s’essuient avec du papier.”

Au début du XIVe siècle, dans l’actuelle province de Zhejiang, on fabriquait annuellement 10 millions de paquets de ces feuilles. En 1393, 720000 feuilles de papier hygiénique étaient fabriquées pour la cour impériale de Beijing. Grâce aux dossiers impériaux de l’époque, on sait maintenant que certaines de ces feuilles étaient parfumées pour le seul usage de l’Empereur.

-Les Grecs s’essuyaient plutôt avec les doigts ou avec des cailloux lisses.
Aristophane, poète grec du Ve siècle av. J.-C, nous a laissé un témoignage dans l’une de ses satires sociales: « Trois pierres peuvent suffire pour se torcher le cul si elles sont raboteuses. Polies, il en faut quatre. » Il précise également que la classe riche utilise volontiers des poireaux. Cependant, la technique la plus courante consiste à s’essuyer avec ses vêtements.

A cet égard, on peut lire dans Homère que Nausicaa demande son char et ses chevaux à son père pour aller laver les chemises de ses frères car ils « ne peuvent briller aux assemblées avec des chemises merdeuses. »

-Les Romains ont également utilisé des cailloux. Au 1er siècle avant notre ère, à Rome, les techniques étaient déjà plus raffinées. Catulle, poète né en Gaule mais qui a passé la plus grande partie de sa vie à Rome (87-54 av. J.-C.), précise que la classe patricienne se sert de serviettes de tissu.
Dès la fin du Ier siècle, la laine est adoptée comme papier toilette et il devient courant de la parfumer.

-Au Moyen Âge, on utilise un bâton courbe pour enlever le plus gros des excréments et l’on fignole parfois avec du foin, des feuilles ou une poignée de terre.

Le Moyen Âge est l’âge d’or de la saleté. Dans les villes, on rejette directement les excréments dans les rues. La population jette les déjections par les fenêtres et les matières fécales viennent s’amonceler sur les chaussées avec les autres immondices dont ceux des nombreux animaux qui se promènent en liberté. Toutes les grandes villes d’Europe dégagent une odeur pestilentielle.
C’est ainsi que le Moyen Âge connaît les plus grandes épidémies de peste, de choléra ou de fièvre typhoïde. Les hôpitaux sont un vaste taudis. Il s’agit d’ailleurs avant tout de lieux où l’on meurt et non où l’on guérit.
Les malades sont entassés sur des paillasses imprégnées de leurs excréments et les animaux, notamment les chiens, se baladent au milieu des « patients », urinant partout.

A cette même époque, en Chine, le bâton était déjà utilisé depuis très longtemps. C’était d’ailleurs un objet précieux lors de la succession qui passait de père en fils.

En Asie, on se servait de coquillages et particulièrement des coquilles vides de moules.

L’utilisation d’eau pour se nettoyer est fréquente en Asie du Sud-Est, en Inde du sud et dans les pays musulmans, où les gens utilisent leur main gauche pour se nettoyer avec de l’eau et leur main droite pour manger. Dans certaines régions de l’Afrique, c’est l’inverse : une salutation avec la main droite est donc considérée comme impolie.

Dans les siècles qui suivirent, le papier toilette, quelle que soit sa forme, était loin d’être généralisé. Dans toutes les couches sociales, les doigts et les vêtements, restaient le plus couramment utilisé.

-Au XVIe siècle, le papier est cher et rare. Dans les maisons nobles, on utilise un tissu issu du chanvre ou du lin. Durant les XVIIe et XVIIIe siècles, dans les grandes maisons bourgeoises, la mode est de s’essuyer le popotin avec un linge.
La toile de lin est très à la mode chez les roturiers tandis que la noblesse pousse le raffinement jusqu’à utiliser du velours.

Enfin du papier

Le papier est encore rare mais on sait que de nombreux manuscrits d’une valeur inestimable ont fini comme torche-culs.
Une équipe d’archéologues a mené des fouilles dans les sous-sols de la Cour Napoléon avant la construction de la pyramide de verre.

Ils ont découvert dans les anciennes latrines du Louvre plus de 700 cachets de cire aux armoiries des plus grands personnages de la fin du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle. Preuve que leurs écrits ont servi de papier hygiénique.

-Au XVIIIe siècle, les journaux se développent et deviennent le papier hygiénique le plus utilisé.

-Au XIXe siècle, l’hygiène n’est pas prise en considération par les médecins. Ils sont très rares à avoir compris l’intérêt d’une bonne hygiène, en particulier dans cette partie du corps.
En Angleterre cependant, le corps médical précise que « le papier utilisé dans les latrines doit être toujours neuf. »

En effet, il n’est pas rare qu’un morceau de journal qui a déjà servi soit réutilisé.

Les temps modernes

L’histoire industrielle du papier-toilette débute aux Etats-Unis, en 1857, année où Joseph Cayetty fonde la Cayetty’s Medicated paper. Initialement vendu par boite de 500 feuilles, pour 0,50 $ le papier portait en filigrane le nom de son auteur. Cela contenait de l’aloès comme lubrifiant et était vendu comme produit médical antihémorroïdes.

A partir de 1890, d’autres sociétés comme la “British Perforated Paper Company” et la “Scott Paper Company” commencent à produire du papier toilette amélioré et le produit Gayetty disparait.

Mais, ce papier était considéré comme un luxe et jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale, les américains utilisent le plus souvent  les catalogues et les journaux. Le catalogue de vente par correspondance de la société Seans est la vedette des latrines d’outre-Atlantique.

En Europe, les journaux continuent à être utilisés jusqu’à la moitié du 20e siècle et bien après la guerre dans de nombreuses campagnes.

Aujourd’hui, le papier-toilette en rouleaux monopolise le marché. Le conditionnement à plat, en paquet de fines feuilles intercalées, est devenu très minoritaire. Ce conditionnement a été inventé par les Français et est resté en vogue au Québec et au Japon. Il est inconnu du reste du monde.

La guerre du P.Q.

Sans jeu de mots, le marché est très juteux. Les grandes multinationales américaines font des bénéfices colossaux.
Plusieurs trusts se partagent le marché. Les entreprises indépendantes disparaissent les unes après les autres..

Les multinationales possèdent leurs propres forêts un peu partout dans le monde et notamment aux Etats-Unis, au Canada ou en Amérique du Sud. Elles financent également des laboratoires de recherche.

En 1960, chaque Européen utilisait 0,50 kg de papier-toilette par an. Aujourd’hui, il en utilise 13 kg en moyenne.

Dans certains pays, comme la Chine ou les pays de l’Est, il y a une pénurie chronique de papier-toilette. Pendant les Jeux olympiques, le gouvernement chinois a demandé à ce que les toilettes publiques soient pourvues en papier afin de ne pas choquer les Occidentaux.

Le papier-toilette dans le monde

Moins d’un quart de la population mondiale utilise du papier-toilette. Dans de nombreux pays en voie de développement, le papier hygiénique est vendu à la feuille, comme au Burkina Faso.

Dans les pays musulmans, le papier-toilette est inconnu ou presque. Après défécation, on se lave le fondement avec un tuyau flexible branché sur une arrivée d’eau.

Mais que ce soit en Europe ou en Amérique du Nord, le sujet reste tabou. Les animaux sont souvent utilisés dans les publicités ainsi que les bébés. Le tout doit évoquer la douceur, la résistance et la propreté mais surtout pas l’utilisation dudit papier.