« J’ai mal« . « T’as mal où ? » « Aux dents, au dos, au ventre, à la hanche, la hanche gauche, sous le talon, le talon droit, à la tête, de quel côté déjà ? » Et si c’était une alvéolite ? Une hernie discale, des polypes sur les intestins, de l’arthrose, une épine calcanéenne, une migraine…? Une tumeur ? Un début d’AVC ? Une ostéoporose galopante ? Vite, des radios, IRM, scanners, des ordonnances, nous sommes MALADES !
Un conseil d’ami: ne nous demandez jamais « Ca va toi ? » car c’est le début d’une avalanche de mots et de maux, un chapelet de plaintes, un cataclysme, un tsunami, dont vous sortirez lessivé en nous laissant un peu mieux car nous vous aurons raconté notre maladie imaginaire, mais tellement présente, dans les moindres détails.
Nous sommes hypocondriaques, paraît-il, et, en fait, personne ne nous plaint, mais quelle misère !
Définition
L’hypocondrie est une inquiétude excessive concernant la santé et le bon fonctionnement des organes. Une écoute obsessionnelle de son corps amène l’hypocondriaque à interpréter la moindre observation comme le signe d’un mal grave.
L’hypocondriaque est un malade imaginaire qui se découvre toujours des symptômes funestes et que les épidémies de grippe ou le cancer plongent dans un état de panique profonde.
Il parle de sa santé tout le temps, connait les symptômes de chaque maladie et fréquente assidûment les cabinets médicaux. Selon les statistiques médicales, 5 à 10 % des patients qui consultent un généraliste sont dans ce cas. Mais contrairement au simulateur, l’hypocondriaque ne fait pas semblant, il est réellement persuadé d’être malade.
Incapable d’admettre qu’il est déprimé, anxieux, ou tout simplement insatisfait de son travail ou de son couple, l’hypocondriaque choisit inconsciemment son corps comme siège de ses problèmes.
Les écrivains par exemple, ont toujours été considérés comme particulièrement sujets à l’hypocondrie. Leur âme sensible semble réceptive à l’introspection. Voltaire, Rousseau, Schiller ou Heine se sont longuement épanchés sur leur santé dans leur correspondance et leur journal intime.
Le terme a été crée par Hippocrate pour désigner des sujets qui se croyaient atteint de maladies affectant les organes atteints dans les hypocondres, zones de l’abdomen situées directement sous le diaphragme. A droite cela correspond au lobe droit du foie et à la vésicule biliaire. A gauche, à l’estomac, au lobe gauche du foie et à une partie du colon.
Aujourd’hui
Rien ne va plus: la peur de la maladie gagne du terrain et les hypocondriaques se font de plus en plus nombreux.
Vu le phénomène de mode qui frappe les médias qui font toutes les semaines des couvertures sur des sujets médicaux, compte tenu de la masse d’informations circulant sur Internet (76% des Français surfent pour obtenir des informations sur leurs problèmes de santé), et des livres qui sortent chaque jour sur des sujets « porteurs » tels que la nutrition, la prévention du cancer, l’obésité, et tous les sujets dits « psys », les préoccupations d’un public de plus en plus vaste se focalisent sur l’état du corps.
Pour le psychiatre Robert Neuburger, la «sur-utilisation du diagnostic» génère l’hypocondrie dans notre société : «Vous allez voir un médecin, vous lui dites que vous êtes triste et vous ressortez avec l’étiquette déprimé ! »
Selon les psychiatres, l’hypocondrie fait son nid dans l’histoire de chacun : les personnes qui en souffrent ont connu des carences affectives précoces, un deuil, une séparation.
Pour certains psychanalystes, elle découle d’un manque d’estime de soi. La maladie, forme acceptable de l’échec, vient masquer un profond sentiment d’impuissance, de nullité. Les angoisses hypocondriaques sont d’ailleurs assez fréquentes à l’adolescence et à la ménopause, ces périodes marquées par une profonde remise en cause de l’image de soi.
(A lire : « Malade d’inquiétude, guide de l’hypocondriaque » de Michel Cimes, Editions Balland/Jacob-Duvernet, « Vivre surprend toujours, son Journal d’un hypocondriaque » de Patrice Delbourg, Editions du Seuil, « L’Hypocondriaque, sa vie, son œuvre », de Gilles Dupin de Lacoste, Éditions Payot)