Ah la la, quelle force dans cette déclaration, quel refus ! « Les fêtes ? Moi ? Je déteste. Je déteste cette obligation de s’amuser à date et heure fixes, cette ineptie d’attendre les 12 coups de minuit comme si notre vie en dépendait…ridicule. Je me mets au lit et je suis frais le lendemain« .

Nous avons tous des amis qui tiennent ce genre de discours. Mais au fond, ce mépris asséné comme un coup de poing n’est-il pas l’aveu d’une grande solitude ?

Si les retrouvailles familiales de Noel et les ripailles du Nouvel an ravivent parfois de vieilles rancoeurs, elles sont  difficiles à vivre pour les esseulées. Ceux qui, au quotidien, s’assument gaiement, célibataires de choc, toujours prêts à mener la danse, se retrouvent l’âme en berne, enfoncés dans un coin de canapé. Les lueurs des flammes dans la cheminée répandent une chaleur qui en fait grelotter intérieurement plus d’un. Dans le brouhaha et les rires, la musique et les bavardages animés, on se sent cafardeux,  seul, étranger à toute cette agitation. D’un seul coup les années comptent double et l’on se voûte moralement sous le poids des illusions perdues.

« C’est banal de le dire, sourit un peu tristement François, les magazines féminins aiment bien les titres genre « coup de blues pour les fêtes ». Mais dans mon cas, c’est vrai : tous les ans, entourée de mes sœurs et de mes neveux et nièces, je suis au fond du seau le soir du 31 décembre. J’ai l’impression d’avoir cent ans, d’avoir tout raté, d’être passé à côté de plein de choses.

On ne peut pas dire que j’ai un quotidien très « rock and roll » mais je sors souvent avec des amis. Le réveillon du 31, c’est l’angoisse.

La plupart de mes amis sont en couple, ils se sont tous projetés dans le temps, ils ont créé leurs propres racines, réussi leurs boutures. Moi je tiens encore à la génération d’avant par les cheveux. Sous mes pieds,  il n’y a rien, du vide. « 

Arrivés à un certain âge, même s’ils ont gardé une bonne dose d’optimisme et de joie de vivre, certains regardent souvent par-dessus son épaule. Et se souviennent. L’esprit s’évade et se réfugie loin de l’instant présent. On revit un passé heureux dont les images se sont gravées à jamais dans notre mémoire. En plein milieu d’une soirée de réveillon, entre flonflons et serpentins, une petite musique résonne à leurs oreilles et ils se sentent envahie par une bouffée de nostalgie.