Frédéric a 40 ans. C’est un type bien, honnête, travailleur, régulier. Il parle peu, sourit, a une voix assez douce et ne donne son avis que si on lui pose la question.

Son horreur du conflit le porte à la réserve, à une extrême réserve, et à une grande intériorisation de ses émotions. Facilement contrarié, il ne le montre pas, ne l’exprime pas et ronge tranquillement son frein en attendant que ça passe.

Frédéric est économe de ses sentiments comme il est économe dans la vie de tous les jours. Son enfance, placée sous le signe de disputes féroces de parents bientôt divorcés, l’a amené à détester les extrêmes et tout ce qui est violent. Cette même enfance, sous l’aile d’une mère autoritaire, l’a peu encouragé à communiquer.

Parce que communiquer, c’est s’ouvrir aux autres, et les autres sont un danger. La peur des autres a longtemps dominé la vie, le comportement, le mode d’emploi de Frédéric. En présence de l’autre, ressenti comme un juge ou un censeur dès lors qu’il ne fait pas partie des familiers, l’angoisse monte, massivement.

Et de l’angoisse ou du stress à la pathologie, la frontière est mince. Quand la peur des autres se transforme en phobie sociale, il existe une peur constante et intense de situations dans lesquelles le sujet risque d’être observé ou critiqué par autrui, et en conséquence une attitude d’évitement, même s’il reconnaît le caractère excessif de sa peur. Si l’anxiété sociale n’empêche pas de vivre normalement, sa forme la plus grave constitue, par contre, une maladie psychologique.

Parfois, la situation redoutée peut déclencher une anxiété qui peut aller jusqu’à l’attaque de panique. Celle-ci se reconnaît quand il y a quatre des symptômes suivants : palpitations ou accélération du rythme cardiaque, transpiration, tremblements, souffle coupé ou sensation d’étouffement, douleur thoracique, nausée, sensation de vertige ou tête vide, sentiment d’irréalité ou dépersonnalisation, peur de perdre le contrôle de soi ou de devenir fou, de mourir, engourdissement ou picotements, frissons ou bouffées de chaleur.

Frédéric le dit: pendant les disputes, il a la tête vide, il ne pense à rien, il n’a rien à répondre. Ce qui rend l’autre fou, évidemment, et provoque une montée en puissance du conflit. Les yeux de Frédéric sont tristes, tristes et vides, ils balaient l’espace, dans une fuite éperdue du regard de l’autre. Il est absent, son corps est là, son mental est ailleurs, tétanisé par la peur. Jusqu’au moment où un mot de trop, une agression de plus le fait sortir de ce coma vigile pour le projeter dans un long hurlement qui le secoue tout entier en le faisant trembler de la tête aux pieds. Il hurle: « assez, assez, arrête« .

« Ces symptômes peuvent être éprouvés par tout le monde à un moment donné, car il ne s’agit pas d’une structure psychologique particulière mais d’effets. Le plus difficile à admettre pour le sujet, c’est qu’il est persécuté par lui-même. Nous sommes tous porteurs d’un persécuteur interne plus ou moins sévère, selon notre préparation psychique à la rencontre avec l’autre, c’est-à-dire la différence« , explique Jean-Pierre Royol, docteur en psychologie et auteur de nombreux ouvrages.

Que faire ?

Deux traitements de fond sont possibles.

La thérapie comportementale et cognitive

Elle cherche à permettre au patient d’affronter une situation précise et de la dépasser, en la mettant en scène. Pour les comportementalistes, la phobie résulte, en effet, d’une expérience traumatisante (moqueries, mise à l’écart), qui a pu être amplifiée par la réaction démesurée de l’entourage.

La psychothérapie analytique

Elle donne de très bons résultats. Le travail thérapeutique consiste à rechercher, notamment dans l’enfance, quel contexte familial ou autre, a fait naître cette mauvaise estime de soi.

(A lire: La peur des autres, trac, timidité et phobies sociales, Christophe André et Patrick Légeron, éd. Odile Jacob
– Les phobies, Christophe André, éd. Flammarion).