Il paraîtrait que dire des gros mots ferait du bien. Je m’entends: du bien à celui qui les dit, pas forcément à l’autre…Le juron n’appartiendrait pas au mécanisme du langage, mais à celui des émotions de l’être primitif, il ferait parti de l’attitude de l’animal attaqué. Comprenant ses bénéfices, l’homme aurait appris à en tirer profit dans d’autres circonstances.

Le domaine de l’intime

Selon Gilles Guilleron, auteur du « Petit Livre des gros mots » chez First Editions, les gros mots nous réjouissent « parce qu’ils constituent un corpus interdit« .  Mais aujourd’hui, tout ce qui relève d’un domaine tabou (religion, sexualité, fonction excrémentielle) est potentiellement grossier.

On peut donc blasphémer en toute impunité ou presque. Si bien que « 80 % des gros mots ont le plus souvent à voir avec le sexe ou la scatologie ».

Et Le fait qu’ils renvoient à ces parties « intimes » dont l’usage est indispensable, mais qu’il faut se garder d’appeler par leur nom, place celui qui les formule à la limite de la transgression. Car « le processus qui fait de l’être humain un être pudique est celui-là même qui rend certains mots intrinsèquement imprononçables ».

Autrement dit, il vaudrait mieux taire ce que l’on ne montre pas. Alors, zut, je ne peux plus traiter mon pire ennemi de « faux-cul » ? Ou ma collègue de « pisse-froid » ?

Le « petit livre des gros mots et autres injures » de Marc Lemonier recense plus de 400 expressions ou mots dits « corsés« . Un des mots les plus répandus est «con» et ses dérivés: « conne, connard, conasse, conneries« . Plusieurs gros mots commencent par l’adjectif «gros»: gros bêta, gros lard, gros lourdaud, grosse vache. D’autres reposent  sur l’âge: vieille chouette, vieille rombière, vieux con, vieux cul, vieux fossile.

Ca commence dans l’enfance

C’est en découvrant le pot que les enfants s’initient aux joies du désopilant « caca boudin ». Comme le fait remarquer Patrick Boumard, auteur des « Gros Mots des enfants » (Editions Stock), professeur en sciences de l’éducation, « l’interdit passe du registre moteur au registre symbolique ». Après le « non » qui marque l’opposition, les gros mots constituent la deuxième grande étape de « la transgression verbale », indique Didier Lauru, psychiatre et écrivain,  et permet de défier les adultes tout en faisant preuve d’autonomie.

En se gargarisant de « cucul », « féfesses » et « pouet-pouet camembert », les enfants éprouvent, outre un plaisir quasi gustatif, un véritable soulagement.

En grandissant, nous gardons ce goût de la provocation.  Mentionner nos émissions corporelles ou nos parties intimes reste, de 7 à 77 ans, une manière d’afficher haut et fort un esprit non conventionnel inaltérable !