S’il pleut, on soupire, on se plaint, on a des douleurs, on évoque l’humidité qui attaque nos articulations et nos maisons,  la tristesse de ce ciel gris. S’il fait beau, mais un peu chaud, ça ne va pas non plus, mal de tête, insomnie, trop de soleil, qui, du reste, n’est plus ce qu’il était, et le jardin est foutu. Sans parler de l’hiver qui, lui, nous rend carrément grognons.

La météo est devenue une obsession moderne. Cela commence comme un jeu : on prend son téléphone portable pour aller sur internet et voir quel temps il fait quand on est encore sous la couette. Puis, devant la télé, télécommande à la main, on traque les détails : ce fichu anticyclone qui stagne comme un gros oedème, ah, il fait chaud en Corse, bon il pleut en Bretagne, tiens canicule à Bordeaux…vent, pluie, soleil, nous sommes tous scotchés devant la télé. Pas suffisant ? Allez, un petit tour sur Google et tous les sites de météo nous offrent un menu détaillé sur 12 jours. On en veut encore : branchons-nous sur Europe pour écouter ce bon vieux Cabrol, il nous dira bien si la chaleur sera « accablante », le vent « modéré » ou le ciel « couvert » non ?

L’obsession du climat est à la hausse. On parle de la pluie et du beau temps partout et constamment.  Le temps qu’il fait est une passion partagée qui anime autant celui qui est sur le point de partir que celui qui reste chez lui mais a besoin de savoir quelles chaussures il doit mettre.

Notre intérêt pour les prévisions météo est en constante augmentation. L’application pour iphone de Météo-France, lancée il y a à peine un an, a déjà été téléchargée 1 824 000 fois.

Les agences de pub ont bien compris l’obsession du public pour la météo et l’utilisent. La valeur des espaces publicitaires encadrant le bulletin météorologique de grandes chaînes ne cesse d’augmenter. La météomania a même modifié le style des publicités.

Une passion héritée des anglais

Que cache donc cette passion traditionnellement britannique, qui commence même à faire l’objet de thèses universitaires ? « Nous sommes devant la réédition d’un phénomène qui remonte à la nuit des temps« , analyse Andrea Semprini, professeur de communication à l’université de Lyon-II. « Les prévisions météorologiques ne font que reformuler un problème très ancien : comprendre ce qui ‘tombe’du ciel, et dont dépend notre survie. C’est un problème commun à tous, et un besoin : malgré les différences, nos perceptions sont aussi celles des autres. Parler du temps c’est parler de notre présence dans le monde. Les phénomènes climatiques nous rappellent que nous sommes bien peu de chose, ils nous font prendre conscience de la force de la nature, devant laquelle nous sommes des spectateurs muets.« 

Nous serions tous sujets à l’angoisse suscitée par les phénomènes extrêmes (la canicule du siècle, le froid qui n’a jamais été aussi intense). « L’attention portée au climat peut se transformer en obsession« , renchérit Paola Vinciguerra, présidente de l’association Eurodap, qui s’occupe des troubles liés aux crises de panique. « Ainsi le réchauffement planétaire crée-t-il un climat d’inquiétude. Et le bombardement continu d’informations exerce une grande influence ».

L’obsession de la météo, pour l’anthropologue Marino Niola, est aussi « un moyen d’exorciser la nature : nous la scrutons, nous nous en occupons, et le climat conditionne l’atmosphère de la journée. Voici pourquoi, par le biais de la météo, on peut influer sur l’organisation du temps social. »

Et oui, aujourd’hui le temps est l’un de nos sujets de conversation favoris, ce qui n’a rien d’étonnant lorsque l’on connaît son influence sur notre humeur, sur la façon que l’on a de s’habiller et même sur notre alimentation.