Depuis l’antiquité, le bordélisme est reconnu comme une maladie, le plus souvent chronique. Des études récentes ont montrés que dans une grande majorité des cas, les personnes atteintes de « bordélisme » ne sont pas du tout malades.

Certes l’algorithme de rangement des bordéliques n’est pas simple et demeure aujourd’hui encore un grand mystère. Les bordéliques étant eux même  incapables d’expliquer comment ils s’y retrouvent…Mais il faut noter que le bordel croissant que génère un bordélique chronique finit par submerger celui-ci.

Céline est une bordélique paumée. Cette patiente souffrait d’un psoriasis qui lui gâchait la vie. Nous avons fait un bout de chemin qui lui a permis de retrouver une belle peau assez rapidement. Céline est une jolie petite femme, célibataire endurcie, indépendante et très autonome. Mais elle sait se montrer « docile » quand le jeu en vaut la chandelle.

Deux ans après Céline est revenue à mon cabinet. Elle avait beaucoup changé: de mauvaise humeur, bordélique. Presque paniquée devant l’interphone de l’immeuble, elle ne trouve pas mon nom, peste contre le monde entier, râle et s’affole pour un rien. Evidemment son psoriasis a regagné du terrain, manifestant malgré elle l’anxiété et les peurs qui la rongent.

J’apprends qu’elle ne peut plus faire un pas chez elle: pour prendre une douche, c’est le parcours du combattant. S’asseoir et manger tranquillement ? Même pas en rêve, il n’y a plus de place, ni pour s’asseoir, ni pour poser une assiette. Elle ne reçoit pratiquement plus ses amis et ne trouve jamais une minute pour se poser et entreprendre de ranger.

Céline est devenue « bordélique », brouillon, son esprit si précis (c’est une ancienne comptable) est également embrumé, perdu dés la moindre complication.  Sa désorganisation pathologique n’a pas envahi que sa maison. Son esprit erre dans un labyrinthe, se cogne aux parois de sa confusion, se perd dans un fouillis analogue à celui qui l’entoure.

Le désordre de Céline est devenu bordel et son « bordélisme » a généré une anxiété et une fatigue croissantes. « Les bordéliques, dit-on,  veulent imprimer leur marque, se sentir vivants en laissant libre cours à leur créativité et leur égocentrisme ».

Dans ce cas précis, même si, c’est certain, l’égocentrisme est bien là et l’esprit frondeur également, tout ceci est dépassé depuis longtemps. Le discours récurrent de la personne désordonnée et qui ne le reconnaît pas, ou qui ne voit pas comment s’en sortir sans revenir aux fondements, c’est de « ne pas avoir le temps « . Pas le temps de ranger, ni le temps de prendre le temps, mais le temps pourtant de procrastiner à tout va. Alors, comportementaliste, psy, médecine douce, par où commencer ?